Victime du Bataclan et depuis paraplégique, Pierre Cabon n’a pas fait une croix sur une vie de voyages, entreprenant avec sa femme Myriam un tour du monde. Un temps stoppé par la Covid, ce couple hors-norme vient de gravir le Kilimandjaro, continuant à briser les tabous et les barrières du handicap.
Ce 13 novembre 2015, Pierre Cabon, parisien de 25 ans, assiste au concert du groupe de rock américain Eagles of Death Metal au Bataclan à Paris avec deux amis. Après une quarantaine de minutes, trois djihadistes ouvrent le feu sur le public. « J’ai commencé à entendre comme des ballons qui éclatent… C’était en fait les premiers tirs de kalachnikov », se souvient Pierre. Installé dans la fosse, il reçoit une balle qui, pénétrant son bras gauche, traversant son poumon, a fini par se loger dans sa moelle épinière. À terre, il ne parvient pas à se relever. «J’ai eu un blackout pendant les dix minutes de l’attaque. Je ne me souviens d’aucun son, d’aucune odeur et je n’ai quasiment aucune vision de cette tragédie qui a coûté la vie à 90 personnes. Lorsque j’ai rouvert les yeux, j’ai compris que je ne remarcherai plus », nous raconte-t-il. C’est en regardant la télévision que Myriam, sa compagne depuis 5 mois, a vent de l’attentat. Elle tente en vain de joindre son ami sur son téléphone portable. Pierre est rapidement pris en charge par les centres d’urgence, puis transféré à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (94) où il subit deux opérations dans la nuit. Pendant ce temps, sa famille appelle un à un tous les hôpitaux d’Île-de-France pour essayer d’avoir de ses nouvelles. Ce n’est que vers 7h, après une nuit cauchemardesque, que les proches de Pierre apprennent avec un immense soulagement qu’il était sain et sauf. Myriam rencontre pour la toute première fois les parents et la sœur de Pierre dans les couloirs de l’hôpital cristolien. « Le fait de partager des émotions aussi intenses nous a permis de briser instantanément la glace et de nous rapprocher inéluctablement », analyse avec recul Myriam. Pierre passe quatre jours en réanimation, quinze à l’hôpital. « Les souvenirs de mon réveil demeurent flous. J’étais intubé et j’avais des douleurs, mais le personnel soignant était très présent à mes côtés ». C’est au cours de ce séjour qu’il apprend qu’il ne pourrait plus remarcher, lui ce passionné de voyages et de grands espaces. « La compréhension et l’acceptation ne se sont pas faites en un jour. J’ai la chance d’avoir oublié la sensation que l’on ressent lorsque l’on pose un pied au sol ou sur le sable, et j’ai été très entouré par Myriam, ma famille et mes amis », admet Pierre. Sa chance, c’est aussi cet éternel optimisme qu’il partage avec sa compagne. Ce trait de caractère qui les conduit à prendre la vie du bon côté et à se challenger sans cesse. « On préfère voir le verre à moitié plein », résume Myriam.