Traditionnellement, Esri Suisse convie ses utilisateurs de Romandie à deux reprises : lors du TechDay et pour le GIS Day. Ils trouvent là l’occasion pour se réunir, partager leurs expériences à travers des communications et échanger sur des problématiques certes communes, mais pour lesquelles -fédéralisme suisse oblige- chacun des cantons apporte sa propre réponse.
Cette année, plus de 100 participants se sont retrouvés à Nyon autour d’un programme de communications variées, comme celle de Nathalie Lambert-Cart et Nicolas Guilhaudin du CERN venus expliquer «comment éteindre un feu avec un iPad». Ils illustraient ainsi le développement d’une double application Collector for ArcGIS pour les pompiers du Centre Européen de Recherche Nucléaire. Ce site est particulièrement sensible et complexe : près de 650 bâtiments de surface, 350 souterrains dont 52 kilomètres de tunnels et le fameux anneau accélérateur de particules de 27km, répartis sur 600 hectares et pas loin de 27 niveaux d’étages! La particularité de la solution mise en œuvre réside aussi dans la nécessité de disposer d’une cartographie capable de fonctionner en mode déconnectée et référençant des milliers d’objets géoréférencés.
Nous retiendrons aussi la présentation de Lucie Nicolier, ingénieure en géomatique et gestion du territoire chez Roger Jourdan S.A. sur l’installation du plug-in ArcGIS for AutoCAD pour les opérations de mise à jour du cadastre souterrain. Quant à Christophe Emery (SIT et Informatique du Service des Ponts et Chaussées de l’État de Fribourg), il a conquis la salle avec une intervention aussi métaphorique que gourmande : «L’herbe, la base du chocolat» ; où comment depuis les routes l’on peut développer des applications à partir de données métiers «ruminées» par ArcGIS...
Des approches variées
Mais ce GIS Day s’est surtout construit sur le thème du géoportail à travers quatres cas : le portail associatif vaudois asitvd.ch, le Géoportail de l’État du Valais, le portail cartographique du Canton de Fribourg et, lors d’une table-ronde, Géoportail de l’État de Genève. D’apparences similaires, les quatre approches révèlent des similitudes, mais aussi quelques différences à l’instar de cette subtilité sémantique fribourgeoise. «Depuis juillet 2007 nous disposions d’un guichet unique. Il est devenu en octobre 2015 un portail cartographique, explique Pierre Terrettaz, collaborateur scientifique au CCSIT du canton de Fribourg. La différence? La porte est plus grande, avec une ergonomie qui donne plus envie qu’auparavant. Il s’agissait aussi d’une nécessité en raison d’une technologie obsolète qui souffrait de l’apparition de nouveaux standards et des évolutions des attentes des utilisateurs en termes de navigation, de recherche et de lisibilité. Ces utilisateurs qui prennent l’habitude de Google Maps, y compris chez des utilisateurs professionnels. Enfin, il fallait changer parce que tous les autres cantons ouvraient leurs géoportails...»
Dans ce panel, il existe surtout des similitudes en terme de fonctionnalités, d’une approche bi voire trilingue et de la mise à disposition multi- supports (desktop, Smartphone et tablette). Mais s’il ne fallait valoriser qu’un point commun, ce serait «l’obligation de publier les géodonnées de base dans le cadre de la loi fédérale sur l’information géographique», rappelle Rainer Oggier (Canton du Valais). Cette contrainte aboutit à la mise en place d’un géoportail qui suscite la création de géo-services. «L’objectif est de réduire le nombre de demandes de données gérées par le centre de compétence SIT, mais aussi à améliorer les processus de mise à disposition des géodonnées», précise Rainer Oggier. En aparté, il faut noter que si Open Data ne signifie pas pour autant Open Access, les Géoportail d’état sont majoritairement accessibles sans frais. Les autres adoptent une politique tarifaire différenciée comme le portail associatif Vaudois (qui compte 44 fournisseurs dont 16 structures privées) où il faut remplir puis régler son panier de données sur le portail associatif vaudois. Selon Xavier Mérour: «16.500 commandes de données avec une demande d’extraction sur une région précise sont enregistrées chaque année. Mais la géoportail permet simplement visualiser de la donnée. Ce choix couvre 80% des besoins».
Les 118 couches de données sur le Géoportail du Canton du Valais ouvert début 2015 sont totalement accessibles. Ce sera ensuite à l’utilisateur de se débrouiller tout seul pour modifier l’ergonomie, appliquer des filtres ou des extractions de cartes. Comme le souligne Rainer Oggier: «Le géoportail se limite aux fonctionnalités nécessaires. Il vise à fournir des jeux de données à qualité garantie. Toute la liberté est ensuite donnée aux des structures privés de réaliser des applications». Justement comment faire en sorte que les usages de géodonnées se multiplient? «Nous avons saisi l’occasion des enjeux de transparence pour rendre publiques nos données et nous multiplions les initiatives par exemple avec notre journée du SIGT et des concours pour créer des applications. Mais attention c’est n’est pas dans notre cœur business», affirme Pascal Oehrli, Directeur du service de géomatique et de l’organisation de l’information de l’État de Genève, probablement l’une des structures ayant le SIG le plus développé en Suisse. «C’est aux associations, aux entreprises ou même aux particuliers de s’en emparer. C’est le rôle de nos partenaires, par exemple les transports publics genevois, de mener leur propre campagne d’Open Data pour que soient développées des applications. Il y a un véritable marché pour des startup et des sociétés de conseil pour faire le lien entre administration et entreprises du privé, mais ce n’est pas de notre ressort». Et, comme glisse avec malice Rainer Oggier : « Notre intention n’est pas de concurrencer Google à 3 personnes, juste de fournir des jeux de données à qualité garantie...» Enfin réside un ultime enjeu, souligné par Pierre Terrettaz : «un gros travail d’harmonisation sur les géodonnées (MGDM) et leur représentation». De fait, son canton de Fribourg est particulièrement concerné, car très morcelé et sans une charte graphique commune, il est absolument impossible de proposer de continuité géographique avec ses voisins... Bien évidemment, il existe bien sur le site de la confédération des données harmonisées, mais comme le soufflait la salle : «elles affichent trois ans de retard...»
Xavier Fodor