L’innovation vient souvent du besoin de dépasser des contraintes. Ce faisant, l’outil créé ouvre de nouvelles perspectives... C’est en résumé la naissance et l’évolution de l’outil Archeoscript créé en interne au sein d’Archeodunum, une entreprise opérant dans l’archéologie dite «préventive».
L’archéologie préventive a pour mission de fouiller et d’étudier des vestiges avant leurs destructions par des aménagements. Pour cela, une équipe dessine les structures et les coupes, récupère le matériel pour étude, renseigne la base de données. Une fois la fouille terminée, il ne reste du site que des caisses de mobilier, des dessins numérisés et une base de données. Le plan réalisé par le topographe est donc ce qui permet in fine de relier ces éléments pour redonner vie au site. Et comme sont réunis base de données et données géographiques, le SIG est logiquement l’outil adapté. Mais si l’outil est connu des archéologues, il est peu utilisé en préventif. À cela plusieurs causes : comme la qualité graphique est traditionnellement importante en archéologie, c’est logiquement vers les logiciels de dessin vectoriel que la profession s’est tournée lors de son informatisation. Ensuite, les archéologues ont dans l’ensemble une bonne connaissance de ces logiciels pour leurs relevés, ils l’ont logiquement utilisé pour concevoir leurs plans. Ainsi, paradoxalement, c’est leur niveau en informatique qui freine leur passage aux SIG. À cela s’ajoute un déficit de formation, un manque d’investissement dans des matériels de topographie et logiciels de traitement modernes.
En 2008, lorsque nous avons créé Archeoscript, le traitement des fichiers sortis de la station totale est fastidieux. Il faut importer les points sur AutoCAD, régler les problèmes de calage, puis envoyer le tout vers Illustrator. Là, il faut générer polygones et lignes et classer les formes dans des calques. Tout ce traitement prend beaucoup trop de temps. Si des outils existent bien, les moyens financiers manquent pour les acquérir. Notre challenge est donc double : améliorer la productivité de la topographie et créer des méthodes pour amener les SIG en douceur.
Dans un premier temps, nous avons créé une codification simple des types de structures archéologiques. À chacune d’entre elle, sont rattachés un type de dessin (point, ligne, polygone) et un identifiant reporté par ailleurs sur les bases de données des archéologues. Puis sur Excel, logiciel installé sur tous les postes, des macros VBA ont permis de reconnaitre la codification et générer des fichiers de scripts AutoCAD (.scr) et de dessins vectoriels (.svg). Grâce à ce fichier svg, le plan est directement exploitable sur Illustrator sans passer par AutoCAD, à l’échelle voulue par l’utilisateur. Dans un deuxième temps, l’outil s’étoffe d’outils de traitement de la topographie : recalage de données relatives vers un système de projection à partir de trois points de calage et triangulation de points à partir de distances horizontales prises sur le terrain.
Dans un troisième temps, un outil qui génère un fichier .gml est créé. Peu connu, ce fichier est de type XML (Extensible Markup Langage : langage de balise extensible). Il nécessite l’installation de DataOperability pour être ouvert sur ArcGIS. La table attributaire intègre le type de structure créé (mur, trou de poteau, fossés, etc.) et le numéro de structure saisi directement sur le théodolite lors de la phase terrain. Cet outil est complété par une cartographie rapide réalisée directement dans Excel : on peut tout de suite vérifier la topographie avant de créer un fichier. À l’aide de menus flottants, on peut également corriger la topographie et puis générer un fichier SIG et cela en quelques minutes. Enfin, un dernier outil permet d’importer des fichiers depuis Illustrator enregistrés au format svg, lui aussi de type XML. Les calques et sous-calques Illustrator sont interprétés comme autant de champs de la table attributaire représentés dans le fichier gml.
Cet ensemble d’outils connectés entre eux permet de faire une double passerelle entre la topographie, le dessin vectoriel et le SIG et ne nécessite qu’un simple fichier Excel. La dernière étape est celle de la formation : d’une part, ces outils permettent en seulement deux jours de former des archéologues au relevé topographique de base car ils les libèrent de la phase de post-traitement. D’autre part, en générant des données SIG à partir de leurs propres données terrain, Archeoscript sert de point d’entrée à la formation : ils apprennent l’outil SIG avec leurs propres données et peuvent projeter directement leurs problématiques cartographiques. Et aujourd’hui, toutes les fouilles d’Archeodunum sont réalisées en utilisant cet outil ainsi que plusieurs fouilles universitaires.
Carte blanche parue dans SIGMAG n°12 (mars 2017). Cliquez ici pour vous procurer ce numéro.