Christine Wacta, oser bousculer sa destinée


Christine Wacta n’a pas pour habitude de planifier. D’opportunité en occasion provoquée, elle prend la vie comme elle vient, sautant d’un pays à l’autre. Et cela lui sied plutôt bien.



C’est à Zoétélé au Cameroun que Christine Wacta vit une enfance heureuse en compagnie de ses dix frères et sœurs. Elle craint juste les bancs de l’école par peur de la bastonnade. Régulièrement, elle prête main-forte à son père qui, détenant la plus grande épicerie locale, est devenu le ravitailleur de la région. « Pour fêter la Sainte Christine et mon anniversaire, j’avais l’autorisation et la chance de pouvoir me servir dans les rayons, se remémore-t-elle. Le dimanche, toute la famille se rend à la messe et une fois par mois, nous pausions endimanchés devant un photographe ».  À 18 ans, elle décroche son bac et son père lui conseille d’embrasser une carrière de médecin. Sans grande conviction, elle candidate en métropole et se voit reçue... à Brest !  

Sauf que Christine Wacta s’est plutôt imaginée parisienne que brestoise. Aussi, elle emboite le pas de sa cousine inscrite à l’École d’architecture de Paris-La défense. « Mon dossier a aussi été accepté, alors même que je n’avais jamais dessiné » ! De fait, ses dessins ne sont pas très aboutis, mais la jeune femme prend goût à réaliser des plans et maquettes. Elle poursuit dans cette voie avec même l’opportunité de la ponctuer en Allemagne en y obtenant un double diplôme. « Avant de partir, je ne connaissais pas un seul mot d’allemand. J’ai tout adoré, sauf les cours qui démarraient à 7h ». De retour en France, elle décroche son premier job dans une agence d’architecture. Elle doit dessiner des plans sous AutoCAD, mais y reste une seule journée : « c’est le souvenir le plus honteux de ma vie. Je n’ai pas réussi à allumer l’ordinateur » ! Peinant à trouver un nouvel emploi d’architecte, elle embauche comme caissière magasinière chez Marks & Spencer. L’expérience dure deux ans jusqu’à ce qu’une Camerounaise de passage à Paris lui partage son rêve américain. Il n’en faut pas plus pour que Christine démissionne. Le 12 décembre 1998, elle décolle pour les États-Unis ; une fois encore sans parler un mot d’anglais... Pour s’inscrire à l’Université de Minnesota, elle rencontre le doyen qui lui conseille d’obtenir le Toefl. Les mois suivants, elle écume les cours jusqu’à décrocher le précieux sésame pour rejoindre un Master en architecture qui propose des modules axés sur l’animation 3D et la visualisation. À la fin de son M2, le doyen la sollicite pour remplacer à la dernière minute un professeur et emmener une promotion d’étudiants en Europe. Au terme du voyage, les jeunes lui offrent un bol portant la mention « The best teacher in the World » : un nouveau déclic.


Enseigner un jour, enseigner toujours ?

Christine veut donc enseigner. Après plusieurs candidatures, elle est recrutée au sein de The Art Institutes International Minneapolis pour former au design d’intérieur. Deux ans plus tard, elle rejoint le Savannah College of Art and Design comme professeur d’architecture d’intérieur et de design urbain. « J’ai été choquée de constater que le programme était sensiblement le même que celui que j’avais reçu. J’ai compris que la filière n’évoluait pas suffisamment avec la technologie ».  Au détour d’une conversation, un ami lui parle des logiciels Esri. Séduite par des tutoriels consultés le soir même, elle convainc le doyen d’en faire l’acquisition. « À partir de 2017, j’ai formé les étudiants à ces logiciels qui ne font pas initialement partis de notre valise d’architectes. Pourtant, le SIG constitue un outil de réflexion sans pareil. Il a bouleversé mon parcours personnel et professionnel, ayant la capacité d’illustrer la vision singulière que j’ai du monde ». En parallèle, elle commence un Doctorat Architecture, Urbanisme, Paysage et Patrimoine à l’Université de Sorbonne Paris Cité/Paris-Diderot, introduisant des outils d’urbanisme, notamment numériques. En 2020, elle crée l’entreprise GéoEduGaming souhaitant favoriser de manière ludique l’intégration du SIG dans la recherche architecturale et plus largement dans l’éducation. Depuis septembre 2021, elle dispense à distance des cours d’architecture pour l’École Nationale d’Architecture Paris Val de Seine (ENSAPVS). En mai dernier, elle a rejoint le corps professoral de la Georgia Southern University. Avec l’appui du SIG, elle amène les étudiants à comprendre et à mettre au point des applications ou des produits plus durables. Désormais, le SIG fait partie intégrante de son quotidien au point que ses enfants parlent déjà couramment de geodesign. Pour le moment, cette citoyenne du monde comme elle aime à se décrire semble avoir élu domicile aux États-Unis. « Pourtant s’il faut partir au fin fond de la Chine, je n’hésiterai pas une seconde. Il me suffira d’apprendre une cinquième langue », sourit-elle. 

Fanny Perrin d'Arloz

Christine Watca en quelques dates
  1969 Naissance à  Zoétélé (Cameroun) 1989 Bac S 1992 DEFA d’architecture à l’École d’architecture de Paris-La-Défense 1997 Diplôme d’architecte DPLG à l’École d’architecture de Paris-La-Défense  2001 Master en architecture à l’Université de Minnesota (États-Unis)  2019 Doctorat Architecture, Urbanisme, Paysage et Patrimoine à l’Université
de Sorbonne Paris Cité & Paris-Diderot 2001-2004 Enseignant en design d’intérieur The Art Institutes International Minneapolis (États-Unis)  2004-2018 Professeur d’architecture d’intérieur et de design urbain
au Savannah College Of Art and design (SCAD) 2020 Fondatrice et dirigeante de GéoEduGaming  2022 Assistant Professor dans le département de Human Ecology
à la Georgia Southern University (États-Unis)

Article mis en ligne par la rédaction SIGMAG & SIGTV.FR